Argument.

Les réseaux sociaux, pour peu qu’on les consulte régulièrement, sont en train de modifier le rapport que nous entretenons avec les auteurs contemporains dont nous avons fait connaissance, soit par leurs livres, soit par une représentation théâtrale de leur texte, soit par un article récemment paru sur leur oeuvre... Libre à nous le lendemain de leur faire une « demande d’ami » (une « friend request » dans le langage de Facebook) ou de devenir l’un de leur « follower », dans le vocabulaire de Twitter. Le réseau social prolonge dans le temps et dans l’espace la relation que nous entretenons avec l’auteur. Nous sommes au courant désormais de ses prochaines publications, des événements liés à la sortie d’un livre, ou mieux, nous pouvons lire les fameux « statuts » qui rendent compte de leurs humeurs, de leurs actions, de leurs convictions politiques, de leurs pensées plus intimes... Autant de détails qui nous nous font plonger plus loin dans leur univers littéraire et leur univers personnel.

Les réseaux sociaux placent le lecteur dans un espace nouveau, entre vie publique et vie privée. Ils permettent l'extension de la sphère d'auctorialité. L’écrivain y développe des stratégies qui concourent à sa présence et à sa représentation dans l’univers numérique.

Une réflexion semblable a été amorcée au sujet des blogs : il semblerait que les réseaux sociaux engagent des problématiques encore différentes. Les réseaux sociaux permettent d’être tenus au courant immédiatement des statuts de l’auteur, une communication en temps réel entre l’écrivain et son lecteur... Le blog, lui, va être mis à jour une fois par semaine, ou au mieux, une fois par jour.

Facebook et Twitter permettent d’endosser une autre identité : être un homme, une femme, un digital native (une personne née à l’ère du numérique et qui en a toujours connu les outils, à l’opposé des digital immigrants), un networker, un no-life (celui qui n’a plus de vie réelle, d’IRL, d’In Real Life, car il vit à travers son écran), un geek, un nerd, son chat, son philosophe préféré... Ce choix d’identité pose la question : Comment nous donnons-nous à voir ? Entre exposition et dissimulation, les réseaux sociaux engagent des stratégies de mise en scène de soi. Et si je profitais de Facebook au premier degré, pour promouvoir mon activité, ou différemment, pour me réinventer ? Donner mon nom, un bout de nom, un autre nom ? Inventer un personnage, un héros, l’homme qu’on aurait voulu être, dont mes amis virtuels vont pouvoir suivre la vie virtuelle : Facebook peut-il devenir un support pour un projet littéraire ?

Cette énonciation fait naviguer entre l’autobiographie et l’autofiction, ce néologisme créé en 1977 par Serge Doubrovsky, dans Fils : « Autobiographie ? Non, c’est un privilège réservé aux importants de ce monde, au soir de leur vie, et dans un beau style. Fiction, d’événements et de faits strictement réels ; si l’on veut, autofiction, d’avoir confié le langage d’une aventure à l’aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau. Rencontres, fils des mots, allitérations, assonances, dissonances, écriture d’avant ou après la littérature, concrète, comme on dit musique. Ou encore, autofriction, patiemment onaniste, qui espère maintenant partager son plaisir. »

Les réseaux sociaux seraient-ils comme une nouvelle étape de l’autofiction, propre au début du XXIe siècle ? Les statuts Facebook permettraient-ils de forger un nouveau pacte autobiographique ? Facebook permet-il de raviver la tradition du carnet intime, dans un nouveau contexte numérique ? Peut-on dire alors que les réseaux sociaux ont une portée telle qu’ils sont en train de modifier les manières d’écrire d’une nouvelle génération d’écrivains et de revisiter des genres littéraires par le biais du numérique ? A l’inverse, Facebook n’est-il qu’un instrument d’autopromotion ?

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